Chroniques

par laurent bergnach

Luigi Nono
Écrits

Contrechamps (2007) 720 pages
ISBN 978-2-940068-29-6
Luigi Nono | Écrits

Riche de cent soixante quatorze textes et du CD d'une conférence donnée en mars 1983, cette cinquième édition européenne des écrits de Luigi Nono (1924-1990) réunit ceux traitant de recherche artistique (conférences, préfaces, etc.) et ceux liés à son activité politique (reportages, prises de position, polémiques journalistiques, etc.). Beaucoup sont une découverte pour le lecteur francophone, puisque l'édition de Christian Bourgeois, parue en 1993, en proposait moins d'une centaine. Le premier de ces textes date de 1948, le dernier de 1989. Comme l'exprime Laurent Feneyrou qui a traduit (voire retraduit) de l'italien et de l'allemand : « Choisir l'exhaustivité et privilégier la chronologie, c'est donner sens à cet historisme de Nono. »

Tout au long de sa vie, le créateur de Prometeo a défendu l'idée selon laquelle la musique la plus avancée devait être aussi une musique engagée dans son temps. Participant tout d'abord au mouvement postwebernien qui réunit ses confrères à Darmstadt, Nono livre ensuite une œuvre en conflit ouvert avec la société et les institutions musicales, y compris celles de la nouvelle musique – position qui l'a d'ailleurs mené à un certain isolement, quand il désigne clairement ses ennemis ou refuse sa participation ici et là. Le musicien militant retrace des rencontres, parfois violentes, en URSS (1963), aux États-Unis (1965) ou en Amérique du Sud (1967) et dénonce la guerre du Viêt-Nam (1966) après celle d'Algérie (1960). Fin connaisseur de Brecht, il ne perd cependant pas de vue la menace de restauration fasciste dans son propre pays.

Dans cet ouvrage de sept cents pages, l'on croise Mozart, Schubert, Schönberg, Cage, Schubert, Hartmann, Henze, Kurtág, Goubaïdoulina, Barraqué – de même que, parmi ses malheureux compatriotes, Vivaldi et Bellini méconnus, Maderna oublié –, mais surtout des combats récurrents et innovants pour le théâtre musical, la musique électronique, la voix affranchie du bel canto, la réforme de l'enseignement, une véritable critique musicale, etc. Défenseur des formes nouvelles, Nono le sera jusqu'au bout, conscient que « le nouveau élargit toujours la faculté humaine de comprendre, d'écouter et de voir – de vivre, en un mot ».

LB